L'histoire vraie de la soi-disant maladie d'Alzheimer
La maladie de Kraepelin !
Emil Kraepelin |
Nous avons vu le rôle majeur joué par l'éminent psychiatre Emil Kraepelin (considéré à l'époque comme le Pape ou le Linné de la psychiatrie) en vue de considérer une maladie à part l'affection dont celui qu'elle allait porter le nom qualifiait de "simple trouble mental".
En effet, c'est ce que spécifia le docteur Alzheimer sous l'en-tête "Forme de la maladie" de la fiche de maladie de la première personne considérée comme malade d'Alzheimer : Auguste Deter.
Celle-ci n'avait 51 ans et présentait pourtant des symptômes de démence sénile qu'on n'observe habituellement que chez des personnes bien plus âgées.
Avait-elle une maladie spécifique ou son cerveau ne faisait que vieillir et connaître l'expérience inéluctable de la sénilité bien plus tôt qu'autrui et ce éventuellement pour un besoin insatisfait d'amour aggravé par des problèmes conjugaux ?
De fait, le 3 novembre 1906, dans sa conférence devenue célèbre, intitulée : "A propos d'un processus morbide pathologique grave et singulier du cortex cérébral", Alzheimer a réévalué son jugement quant à la gravité du cas, mais il n'a jamais cru à une maladie en bonne et due forme.
Certes, dans son rapport de trois pages publié en début de 1907, intitulé "A propos d'une maladie particulière du cortex cérébral", qui a présenté officiellement au monde le cas de démence de celle qu'on appelait alors Auguste D., il a bien parlé de maladie, mais ses doutes restaient entiers quant à la légitimité d'une pareille appellation. Et ces doutes sont demeurés même après l'adoubement de la maladie comme on a pu le voir dans le précédent article.
Ainsi, malgré l'absence de marqueurs biologiques caractéristiques et contre toute logique scientifique, le vieillissement anormal d'Augsute Deeter fut qualifié de maladie spécifique. Pourquoi?
Nombre de chercheurs soupçonnent des raisons mercantiles derrière et d'ego personnel derrière une pareille précipitation de la part de Kraepelin.
Tout d'abord l'ego et le prestige personnel ! Il se trouvait, en effet, un autre laboratoire que celui de Krepelin à Munich qui s'intéressait au même domaine : la clinique psychiatrique de Prague. Son laboratoire était donc en compétition avec ce laboratoire de Prague pour être la référence européenne en matière de psychose mentale. Ce dernier laboratoire était dirigé par Arnold Pick qui a donné son nom, d'ailleurs, à un trouble cérébral progressif, appelé donc maladie de Pick.
Auguste D. |
Or, il se trouvait qu'en 1907, un collaborateur de Pick avait publié d'intéressantes observations sur les mêmes recherches occupant Alzheimer (les plaques séniles amyloïdes cérébrales) tout en soutenant un diagnostic différent, marquant une préférence pour l'expression de "démence presbyphrérique".
Aussi, la qualification par Kraepelin de maladie des observations d'Alzheimer qui travaillait pour son laboratoire élevait les travaux de ce dernier au-dessus de ceux du laboratoire concurrent.
Il y a aussi le désaccord entre les théories psychanalytiques de Sigmund Freud et les conceptions organicistes d'Emil Krepelin. Le premier considérait le second comme l'un des deux de ses plus redoutables ennemis.
Or, en 1900, Freud venait de publier L'Interprétation des rêves, ouvrage qui a eu un grand succès, révolutionnant l'étude des névroses en introduisant la théorie freudienne attribuant les symptômes des maladies psychiatriques à l'inconscient et suggérant que les névroses pouvaient être traitées en amenant à la conscience des désirs inconscients et des souvenirs refoulés par le biais d'un traitement purement psychanalytique.
Et la psychanalyse allait devenir rapidement populaire et le mouvement de plus en plus fort pour son intégration généralisée dans le traitement clinique; ce qui ne pouvait plaire au chef de file de la psychiatrie organiciste qu'était Kraepelin.
Voici ce qu'il écrivait de la psychiatrie freudienne : "Ce que l'on sait jusqu'ici de cet art interprétatif rend totalement concevable le fait que la psychanalyse ne pourra tout simplement jamais être admise par tous; c'est manifestement plus un art qu'une science.. La procédure ne pourra dès lors jamais avoir une grande utilité générale, du moins tant qu'elle gardera ses buts actuels".
Aussi, faire labelliser une nouvelle maladie, c'était voler au secours de cette psychiatrie organiciste dans son combat pour établir la légitimité de son discours dans la juste conception scientifique de la maladie mentale.
La pression morale de Kraepelin, usant de son prestige personnel, pour classer la maladie d'Alzheimer en un trouble organique doit être considérée, dans ce contexte, comme une tentative stratégique permettant d'avoir un pied dans la psychose des personnes âgées, une chasse gardée en quelque sorte.
On pense aussi que les considérations mercantiles n'étaient pas absentes dans la labellisation de la maladie; par mercantiles, on ne vise pas nécessairement une basse avidité, mais bien plutôt des impératifs matériels, imposés par la nature des recherches gourmandes en moyens financiers.
En effet, dans le cas de la compétition avec la psychiatrie freudienne, Kraepelin cherchait à dérouter vers son laboratoire organiciste coûteux les copieuses subventions que les techniques humanistes et novatrices de la psychanalyse arrivaient à attirer. La création de la maladie d'Alzheimer établissait ainsi un territoire diagnostique sur lequel son laboratoire pouvait régner et attirer, du coup, les fonds de recherche nécessaire.
Cerveau normal à gauche, et cerveau soi-disant malade d'Alzheimer, à droite |
Ce sont là les raisons véritables qui ont accompagné la naissance de la maladie d'Alzheimer ou, plus exactement, de Kraepelin. Aussi Alzheimer, qui était réputé en son temps et comblé de louanges pour ses traitements de balnéothérapie pour apaiser les états maniaques ou les états paralytiques d'excitation, allait le devenir pour toute autre chose.
Nous verrons comment dans le prochain article.