Aloïs, c'est qui ?


Aloïs réfère à cette expérience enrichissante d'un accompagnement de l'être cher frappé par la soi-disant maladie accolée à un nom célèbre.
À la faveur du vieillissement cérébral problématique, avec une culture des sentiments, bécothérapie et musicothérapie, l'on vit une expérience humaine inouïe.
Aloïs est ainsi le jumeau infernal de l'enfant joufflu, messager d'un infini amour insoupçonné...

Le b.a.ba. de la maladie d'Alzheimer (1)


Mémoire, neurones, information et remémoration


Extraits du livre de
P. Whitehouse et D. George
Le mythe de la maladie d'Alzheimer

Cerveau normal
    Voici, avec de larges extraits (avec de légères adaptations et quelques réagencements de paragraphes) du livre du Professeur Whitehouse, un aperçu du mythe de la maladie d'Alzheimer, qui présente un déclin cognitif problématique comme ne faisant pas partie du vieillissement normal, mais d'un processus pathologique. 
De la mémoire :
     Dans notre culture, nous avons tendance à visualiser le cerveau comme un lieu de stockage mnésique de données, un disque dur personnel, dans lequel nous chargeons des unités d'information relatives aux expériences, connaissances et images.
    Bien que cette métaphore populaire soit utile, il est préférable de considérer la mémoire comme un processus complexe plutôt que comme un entrepôt dont nous extrayons de l'information.
    Il en est ainsi car le processus de stockage de l'information est étroitement associé à la pensée, à l'émotion et à la perception; il implique l'interaction de nombreux sous-systèmes dans les cerveaux qui travaillent ensemble dans presque toutes les situations impliquant le stockage et la récupération en mémoire.
    Notre récupération en mémoire se fait en grande partie sous une forme narrative; comme d'autres l'ont dit, nous ne stockons pas nos expériences sous forme de données, comme un ordinateur, nous les formulons sous forme d'histoires.
    Le processus de remémoration implique aussi plus que nos seuls cerveaux. Nos corps et leurs processus hormonaux, musculaires et métaboliques jouent un rôle-clé de soutien au cerveau. La vérité première est peut-être que nous nous souvenons rarement de choses sans un contexte social, dans lequel ceux qui nous entourent facilitent et influencent la récupération en mémoire...
    La mémoire est un phénomène social qui est souvent partagé conjointement par ceux qui nous sont les plus proches. Elle ne peut pas être uniquement réduite à nos cerveaux.
    Il existe de nombreuses manières de classer la mémoire, mais la plupart des modèles s'accordent sur les types suivants :
    — La mémoire épisodique : les faits autobiographiques, les souvenirs à long terme (les histoires de son enfance). La mémoire épisodique met du temps à se développer chez les enfants et peut être associée à la capacité de raconter des histoires. La difficulté de récupérer des événements récents constitue une caractéristique distinctive du vieillissement. Les souvenirs épisodiques anciens, par exemple les souvenirs d'enfance, sont extrêmement bien préservés chez les personnes âgées, même celles qui présentent des difficultés cognitives.
    — La mémoire sémantique : les faits qui existent indépendamment de l'expérience personnelle, souvent associés à la signification de mots spécifiques (les États-Unis ont obtenu leur indépendance en 1976; la définition du mot démocratie est une forme de gouvernement dans laquelle la souveraineté appartient au peuple; les quatre Beatles étaient John, Paul, George et Ringo). La mémoire sémantique est souvent mise dans la même catégorie que la mémoire épisodique sous l'appellation de mémoire déclarative, un terme général pour la mémoire qui enregistre les faits et les expériences personnelles plutôt que des habiletés apprises par coeur.
    — La mémoire procédurale : comment réaliser des tâches motrices (se souvenir de la manière dont on attache ses chaussures, dont on conduit un vélo ou dont on joue un morceau de guitare). Il est souvent difficile de verbaliser la mémoire procédurale; c'est une mémoire qui est incarnée, faisant ainsi parfois référence à une mémoire musculaire. Imaginez que vous devez essayer d'expliquer à quelqu'un la manière de rouler à vélo : l'action est assez facile à réaliser, mais très difficile à verbaliser.
    — La mémoire de travail : notre mémoire à court terme (se souvenir du numéro de téléphone de la pizzeria du coin pendant 15 secondes, le temps de le composer). La mémoire de travail peut être conçue comme une ardoise magique : on y note l'information importante et on efface la tablette après quelques instants.
    — La mémoire implicite : les subtiles implications du fait que nous sommes capables de nous souvenir en la quasi-absence de cognition consciente (vous éprouvez de l'aversion pour une nourriture qui vous a rendu malade de nombreuses années auparavant) et aussi l'effet de "déjà vu" (vous êtes prêt à jurer que vous vous souvenez avoir déjà vu précédemment la femme aux cheveux noirs à l'épicerie).   
Des neurones :
(Extrait du Mythe de la maladie d'Alzheimer,
reproduit avec l'autorisation du
National Institute on Aging,
Alzheimer's Disease : Unraveling the Mystery)
    Bébés, nous naissons avec plusieurs milliards de neurones dans nos cerveaux. Les neurones — plus communément appelés cellules nerveuses — ont un corps cellulaire, un axone et des dendrites, et ils fonctionnent via la transmission d'impulsions électriques.
    Ces signaux, nommés potentiels d'action, sont causés par un flux de particules (telles que le sodium ou le potassium) porteuses d'une charge électrique qui traverse les frontières de la cellule, nommées membranes cellulaires.
    Au bout du long axone, la cellule libère des substances chimiques nommées neurotransmetteurs qui font la navette dans les espaces se trouvant entre les neurones, nommées synapses, afin de stimuler la transmission chimique et d'augmenter la décharge neuronale ou d'inhiber l'activité électrique dans les dendrites de la cellule nerveuse.
    Cette libération de neurotransmetteurs à de nombreuses dendrites permet aux neurones d'établir des connexions synaptiques avec des milliers d'autres neurones.
    Ces circuits neuronaux complexes créent et maintiennent nos souvenirs par le biais de processus que la science ne comprend pas totalement. 
Du maintien de l'information :
    Le processus par lequel l'information est emmagasinée dans les neurones est mal compris. Pour qu'un souvenir se forme, les neurones doivent changer leur mode de décharge. Un de ces modes est nommé la potentialisation à long terme, un processus par lequel certaines connexions synaptiques sont renforcées pour permettre aux cellules nerveuses de se souvenir et ainsi de répondre de manière différente à de futures entrées ou activités.
    Ainsi une focalisation sur une question de votre part augmente l'activité électrique dans certaines régions de votre cerveau et conduit à la libération de neurotransmetteurs entre des milliers de vos synapses. Cette augmentation de l'activité forme des connexions synaptiques de neurone à neurone qui, en fin de compte, solidifient les énoncés dans votre esprit et vous rendent plus enclin à vous en rappeler à l'avenir si on vous y incite.
    Néanmoins, tout ce dont vous vous souvenez ne nécessite pas un effort conscient. En fait, notre capacité à contrôler les souvenirs que nous emmagasinons et ceux que nous oublions est assez limitée.
    Aussi, nous devrions tous vivre dans l'instant comme l'enseigne cette leçon du bouddhisme, sensée d'un point de vue neurologique : « Ne vous appesantissez pas sur le passé, ne rêvez pas de l'avenir, concentrez votre esprit sur le moment présent ».
    En effet, que vous rencontriez quelqu'un pour la première fois et essayiez de vous souvenir de son nom ou que vous tentiez de mémoriser des faits lus dans le journal, prêter attention au présent est extrêmement important pour récupérer ultérieurement les souvenirs.
Des souvenirs :
    Toutefois, il faut ajouter que nos souvenirs sont en réalité élaborés par des groupes de cellules qui interagissent... Un groupe important de cellules nerveuses se nomme l'hippocampe.
    L'hippocampe est un organe courbe se situant en dessous de la couche corticale du cerveau, dans le lobe temporal (derrière vos oreilles) et dont le nom vient de l'animal éponyme et du grec ancien (hippos « cheval » et kampos «sorte de poisson »).
    Lorsque l'information sélectionnée entre à flots en provenance de vos organes sensoriels, l'hippocampe, d'une manière que nous ne comprenons pas complètement, convertit certains souvenirs à court terme en souvenirs à long terme.
    Une lésion de l'hippocampe, subie à n'importe quel âge, détériore notre capacité à mettre l'information sous une forme qui permette de s'en souvenir des années plus tard.
    De multiples facteurs, tels que le manque d'oxygène au cerveau, certaines infections, l'alcoolisme, le stress, la dépression et le vieillissement normal lui-même, sont associés à une perte de cellules dans l'hippocampe.
La flèche indique les neurones du téléencéphale basal cholinergique
qui produisent de l'acétylcholine et projettent leurs axones vers
l'hippocampe et ailleurs à travers tout le cerveau.
    De plus, le télencéphale basal cholinergique (« cholinergic basal forebrain»), un groupe de cellules nerveuses qui produit le neurotransmetteur du nom d'acétylcholine, envoie ses axones vers l'hippocampe et stimule cette structure via ce neurotransmetteur.
    Lorsque le télencéphale basal cholinergique cesse de produire des niveaux adéquats d'acétylcholine, cela affecte également l'hippocampe et d'autres régions cérébrales, et réduit ainsi notre capacité d'apprendre et de nous souvenir.


De la remémoration :
    Le processus de remémoration implique que nous ayons accès à l'information que nous avons réussi à emmagasiner, généralement en réponse à un indice. Plus explicitement, la reconnaissance implique de revoir une personne, un objet, un mot ou une sensation et de savoir qu'on l'a déjà vu auparavant. Le rappel spontané (ou libre) signifie que l'on parvient à déloger un souvenir du cerveau sans aucun indice.
    Toutefois, la mémoire ne fonctionne pas comme un ordinateur, en ce sens que l'on n'effectue pas simplement un double-clic sur la souris pour ouvrir un fichier de notre esprit. Nous avons accès à nos souvenirs de façon créative, en amenant dans le processus de récupération nos perceptions, émotions et pensées présentes.
    La récupération mnésique est contextuelle et liée aux émotions — elle est donc imparfaite et faillible, tout comme l'est la compréhension scientifique de son fonctionnement.
Oublier la mémoire :
    La culture occidentale ayant mis un tel accent sur l'importance de la cognition, beaucoup d'entre nous souffrent d'une peur quasi névrotique d'un déclin inévitable de notre capacité à emmagasiner et à récupérer des souvenirs, particulièrement les souvenirs de nature épisodique et sémantique, qui semblent être des agents indispensables de notre identité.
    En fait, dans la plupart des sondages, près de la moitié des personnes de plus de 50 ans rapportent que leur mémoire est anormalement affaiblie et bon nombre d'entre eux craignent que ceci ne soit le présage d'une descente vers la maladie d'Alzheimer.
    Comme vous l'apprendrez, avec le temps, une diversité de facteurs — certains génétiques, certains hormonaux, certains environnementaux, certains liés à une diminution des apports de sang et de glucose au cerveau en raison d'affections telles que le diabète ou de problèmes vasculaires — contribuent inévitablement au dysfonctionnement et parfois à la mort des neurones.
    Ce processus se produit chez tous les êtres humains à mesure qu'ils vieillissent, à un degré plus ou moins important, et nous perdons graduellement notre acuité visuelle, notre ouïe, notre sens olfactif et même des mécanismes fondamentaux tels que la capacité de réguler la température de notre corps, ainsi que, bien sûr, notre mémoire.     
    Déterminer quand commence vraiment ce déclin se fait sur la base d'une distinction arbitraire — certains ont proposé que le vieillissement cérébral débute après 20 ans, lorsque nous avons la quantité maximale de neurones dans nos cerveaux (l'intelligence dite fluide commence ainsi à décliner assez tôt), d'autres évoquent notre pic de fertilité comme étant le seuil critique, tandis que certains prétendent que le déclin de la mémoire commence après l'âge de 40 ans (l'intelligence dite cristallisée commençant à décliner assez tard).
    De mon point de vue, il est préférable de considérer le processus de vieillissement cérébral comme un continuum au long duquel nous progressons tous à des rythmes différents. À mesure que nous progressons le long de ce continuum, notre capacité à traiter, emmagasiner et récupérer les informations se trouvera inévitablement compromise et la perte de mémoire sera positivement associée à l'âge.
    D'une certaine manière, nous finirons tous par avoir la maladie d'Alzheimer si nous vivions assez longtemps. Comme vous pouvez l'imaginer, la séparation entre le vieillissement normal, la maladie d'Alzheimer et le Trouble Cognitif Léger (Mild Cognitive Impairment : MCI)* n'est pas clairement établie sur ce continuum cérébral. Mais cela n'a pas empêché les scientifiques et des associations qui plaident la cause de la maladie d'Alzheimer de tenter de dessiner des frontières nettes.
    * Le Trouble Cognitif Léger (MCI) est un soi-disant précurseur de la maladie d'Alzheimer, qui existerait prétendument sur un continuum entre le vieillissement normal et la maladie d'Alzheimer. En d'autres termes, il représenterait une zone grise, difficile à définir, entre la normalité et la maladie.
    Cette classification a rencontré une certaine résistance de la part des cliniciens et l'on a mis en cause l'industrie pharmaceutique, coupable d'avoir poussé à la formation d'un nouveau créneau de classification qui élargit le nombre potentiel de consommateurs de médicaments (et de patients) en étendant la pathologie à ceux qui subissent un vieillissement cérébral naturel. Il a même été question de promouvoir une catégorie nommée pré-MCI !